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Le choix du peuple, proposé par le monde de la génétique


Xavier Legault

16 juin 2025

Introduction 

À partir de la naissance, l’être humain occidental accumule des identifiants sociaux, culturels et parfois même économiques. Il se voit notamment attribuer, quelque temps après sa venue au monde, son nom et son prénom. Ensuite, pour certains, c’est l’adresse courriel qui suit peu après. Alors, pendant toute sa vie, suit l’acquisition de centaines d’identifiants, importante ou non, par l’individu. Cependant, l’unique renseignement personnel véritablement important est oublié par la personne. C’est celui dont il est le plus imprégné, le plus omniprésent dans sa vie, son ADN.  

Certains en prennent conscience relativement rapidement et veulent même le comparer à d’autres par l’entremise de compagnies privées pour connaitre leurs liens, lointains ou rapprochés, à des célébrités ou à de la famille perdue. C’est ainsi que des entreprises telles qu’Ancestry.com et 23andMe sont apparues avec les progrès en technologies génétiques. Cependant, avec les avancées dans ce domaine, des questions éthiques, auxquelles on ne peut répondre avec une jurisprudence, se présentent. La plus importante, à mon avis, est : à quel point les données génétiques d’une personne devraient-elles être rendues publiques ? Toutefois, avant toute réflexion, il faut établir une base de connaissances nécessaire à la compréhension de l’enjeu.

 

La base des renseignements personnels et de l’ADN 

Débutons par ce qu’est un renseignement personnel et ce qu’il représente, parce qu’après tout, c’est de cela que découle la question de départ. Selon le gouvernement du Québec, « un renseignement est personnel lorsqu’il concerne une personne physique et qu’il en permet, directement ou indirectement, l’identification1 ». 

Cependant, il faut savoir qu’un renseignement seul, selon sa nature, ne sert pas à grand-chose. Des gens qui se nomment « Xavier », il y en a plusieurs, mais quand j’ajoute à ce prénom une autre information, comme le nom « Legault », la quantité de personnes possédant ces deux renseignements sur leur personne diminue grandement. En revanche, pour une adresse courriel unique, il est plus facile d’identifier quelqu’un à l’aide de celle-ci. 

À la suite de ceci, prenons la définition de ce qu’est l’ADN, communément connu sous le nom de code génétique. D’après GénomeQuébec, une entreprise spécialisée en génomique, l’ADN « contient toute l’information génétique nécessaire au développement, à la croissance et au fonctionnement d’un organisme. […] Le génome est comparable à un énorme livre de recettes » 2 en d’autres mots, les gênes représentent l’unicité de chacun. 

Tout ça permet d’établir que le génome d’une personne est l’ultime renseignement personnel ; nul besoin qu’il soit jumelé avec un autre pour permettre l’identification de quelqu’un. Il suffit de repérer les gènes marquants dans le code et de comparer les caractéristiques attendues3 avec les gens que l’on croise jusqu’à ce que l’on trouve la personne recherchée. Pas besoin de l’adresse, du nom, de l’âge, etc. C’est un pouvoir incroyablement inquiétant, quand on pense aux utilisations qu’on peut en faire, certains enjeux, d’autres superbes si l’on se concentre sur les avantages d’une telle technologie. Alors, revenons à la question ; jusqu’à quel point les données génétiques devraient-elles être rendues publiques ? 

Pour aborder la question, il faut aussi connaitre les utilisations, les bonnes et les mauvaises, de cette innovation génétique. C’est pourquoi je vais vous montrer les utilisations les plus probables, dans les deux cas, pour comprendre à quoi sert vraiment cette invention.  

 

Les bonnes utilisations 

Commençons par les scénarios favorables. Évidemment, à la suite de l’envoi de son génome à un médecin ou à une entreprise médicale, on peut le faire analyser. Il peut révéler des maladies héréditaires comme la malade de l’Alzheimer, la trisomie 21 et l’hémophilie, entre autres. Dans tous les cas, c’est objectivement une bonne chose si l’on peut trouver ces maladies avant qu’elles ne se développent. On peut alors prescrire la médication pour essayer de prévenir certaines d’entre elles (à l’exception de la trisomie 21 et de la maladie de l’Alzheimer).  

Procédons avec une autre utilisation, l’identification criminelle. Je pense notamment au meurtre de Guylaine Potvin, un cas où le suspect a été identifié grâce aux gènes trouvés sur la scène et leur comparaison avec une base de données en ligne de milliers de génomes à travers le monde.4 Encore dans ce contexte, c’est objectivement une bonne chose puisque cela permet d’intercepter certains criminels.  

 

Les usages déplorables 

Malgré les deux situations mentionnées plus haut, il existe un revers sombre à la médaille. Je vais souligner les usages opposés, ceux qu’on ne préférait pas discuter. 

D’abord, en contraste avec la découverte de maladies héréditaires, il n’est pas impossible que dans les prochaines décennies, des compagnies d’assurances s’informent en ligne sur les gênes de leurs clients afin d’identifier des problèmes génétiques. Évidemment, cela semble poussé, mais si vous saviez ce que les compagnies de ce genre sont prête à faire. Comment les compagnies d’assurances pourraient-elles tirer profit de ces informations ? C’est simple, si elles découvrent qu’un de leurs clients est plus à risque de complications liées à ses gènes et ainsi, plus à risque de perdre une certaine indépendance ou la vie, elles peuvent augmenter les primes sans que personne n’y sache une chose.  

Ensuite, il ne faut pas oublier qu’il y a une incertitude associée à la technologie utilisée pour identifier des criminels. Comme toute autre science qui se respecte, il faut savoir la reconnaitre. Par exemple, dans le cas de Guylaine Potvin, les autorités n’étaient certaines qu’à 94 %. C’est un gros nombre, mais ce n’est pas 100 %, donc il y avait la possibilité que ce soit quelqu’un d’autre, ce qui aurait pu causer une fausse incarcération. Le doute pour ce genre de technologie doit toujours être présent dans les prises de décisions qui l’impliquent directement, et donc jamais s’y fier entièrement.

Finalement, encore dans le cas de Mme Potvin, les autorités n’ont réussi qu’à identifier le nom de famille du suspect, d’autres personnes reliées, de près ou de loin au suspect, auraient pu être impliquées. Bien sûr, d’autres méthodes d’investigation ont été utilisées, toutefois à mon avis, l’article (Gravel et Marin, 2024) semblait reporter que l’incarcération se serait largement produite sur la base des gènes retrouvés. 

Ayant établi quelques utilisations possibles de cette technologie, je peux maintenant vous expliquer ma pensée sur la question de départ, « jusqu’à quel point devrait-on rendre publiques nos données génétiques ? » 

 

Ce que j’en pense 

Évidemment, toutes les expériences favorables relatées plus haut peuvent faire pencher l’opinion en faveur de l’accès aux informations sur notre génome au public. Cependant, je reste sceptique à la montée de cette technologie, car encore aujourd’hui, les incertitudes et les risques sont grands.  

Par exemple, personne n’aimerait être arrêté, voire incarcéré, simplement car son ADN correspond à seulement 95 % de celui du vrai criminel. D’un côté, il est vrai, c’est un pourcentage plutôt élevé, mais c’est encore dans la marge d’incertitude. En revanche, d’habitude, ce genre de cas est accompagné de preuves supplémentaires, donc la combinaison est suffisante pour prouver la culpabilité. Ensuite, je tiens à mentionner que dans le cas de Guylaine Potvin, au-dessus de 20 ans se sont écoulés entre son meurtre et l’incarcération du coupable, donc le procureur manquait nécessairement de preuves concrètes pour prouver la culpabilité du tueur, ce qui l’a encouragé à se fier en grande partie à l’identification génétique (les gènes correspondaient d’ailleurs à 80 % à ceux d’une autre famille), et que, par le fait même, les données étaient presque complètement fiables.  

En poursuivant, bien que la fiabilité de la génomique augmente au fil du temps, je préfèrerais toujours ne pas partager mes gênes. Actuellement, je crains trop que les compagnies d’assurance utilisent ces informations et en profitent à mon insu. Je ne crois pas qu’il y ait bien des lois qui règlementent ce domaine montant, rendant toute tentative de poursuite inutile. Ainsi, une assurance du genre peut augmenter les primes sans que personne n’en soit conscient. Notez qu’il est très difficile de démontrer l’utilisation de ces bases de données, en s’appuyant sur l’adresse IP (évidemment, ce n’est qu’un moyen de voir l’activité sur internet parmi d’autres). On ne peut donc jamais réellement savoir si une fraude s’est produite.  

En terminant, comme n’importe quelle base de données en ligne, une donnée comme mon génome est nécessairement associée à d’autres renseignements personnels comme mon prénom, nom, adresse courriel, évidemment mon adresse (pour la livraison de la trousse de sondage d’ADN) et assurément les numéros de cartes de crédit. C’est pourquoi les bases de données virtuelles du genre sont des cibles de choix pour les cyberattaques. Le vol d’identité peut se faire aisément dans l’éventualité de la découverte d’une faille dans un système de sécurité, gouvernemental ou privé.  

 

L’idée finale 

Afin de conclure brièvement, voici ma dernière pensée sur le sujet. Bien que cette nouvelle technologie qu’est la génomique apporte de nombreux bienfaits à notre société, je crois qu’il est primordial que chaque donnée génétique soit gardée privée et sans accès direct par n’importe qui, ne serait-ce que par les forces de l’ordre ou même par de la famille. Le risque d’un vol d’identité est tout simplement trop grand, puisqu’il ne nécessite même pas d’autres renseignements personnels. Il faut coute que coute ne pas publier son génome afin de ne pas se le faire dérober ! 

 

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